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Auteurs classées par ordre alphabétique.
Aristote
Aristote a vécu en Grèce de 384 à 322. Après la
mort de son père, Nicomaque, médecin distingué et ami de plusieurs rois,
Aristote se fixe à Athènes et suit durant vingt ans les leçons de Platon.
L'Académie de Platon est alors organisé comme une véritable université,
avec une bibliothèque, des salles de cours, des logements, etc. A la mort
de Platon en 347, il s'éloigne d'Athènes. Il devient précepteur (éducateur)
d'Alexandre le Grand en 343. Après les conquêtes d'Alexandre, Aristote
revient à Athènes où il fonde le Lycée (aidé financièrement par Alexandre).
De l'habitude, commune d'ailleurs à la plupart des écoles de cette époque,
qu'avaient les élèves de discuter en se promenant, naquit le terme de
péripatéticien qui signifie ceux qui se promènent, pour désigner les disciples
d'Aristote.
Aristote est une des intelligences les plus vastes qui aient jamais existé:
il est spécialiste en toutes sciences : zoologie, médecine, droit, politique,
logique, philosophie, etc. Aristote passait pour avoir écrit mille livres.
Ce qu'il reste de ces mille livres est bien minime. Son savoir s'est répandu
en Occident par le détour de l'Orient car, en 529, lorsque les chrétiens
font fermer les écoles d'Athènes pour avoir le contrôle sur le savoir,
c'est en Orient que se sauvent ceux qui enseignent au lycée et à l'Académie.
Sa philosophie
Aristote est un esprit réaliste et pratique. Il s'oppose à la plupart
des idées de Platon. Sa méthode serait plutôt de type scientifique : observation,
analyse, interprétation, classification-classement.
La morale d'Aristote
La morale d'Aristote est exposée dans deux ouvrages principaux : L'éthique
à Eudème et L'éthique à Nicomaque. Ces deux livres sont des notes prises
par des étudiants d'Aristote lors de ses cours au Lycée. Pour Aristote,
la morale doit être tirée de l'expérience des hommes, c'est en examinant
les opinions et en discutant qu'on apprend la morale. La morale comme
la politique font partie des sciences pratiques. Pour Aristote comme pour
Platon, la morale est subordonné au politique.
Pour fabriquer sa morale, Aristote part du sens commun ou de ce qu'on
a l'habitude de nommer « le gros bon sens ». Aristote se demande ce que
pourrait être pour les hommes le bien suprême. Après un temps de réflexion
et plusieurs consultations, il désigne, pour sa morale, le point de départ
suivant : tous les hommes recherchent le bonheur. Par contre, même si
tous les hommes sont d'accord sur cet énoncé, la plupart ne s'accorde
pas sur la conception du bonheur. Qu'est-ce que le bonheur ? Comment définir
le bonheur ?
Puisque les hommes n'ont pas tous les mêmes aspirations, car certains
recherchent le plaisir, d'autres les honneurs, d'autres la richesse, etc.
Ainsi, chacun donne au bonheur un contenu différent. Aristote en conclut
qu'il ne faut pas prendre en considération ce que les hommes recherchent
pour comprendre ce qu'est le bonheur, mais rechercher les conditions objectives
du bonheur. En d'autres mots, cette opération consiste à savoir ce que
les hommes doivent vraiment rechercher pour réaliser le vrai bonheur.
Le bonheur est le chemin qui mène au bonheur. Ce chemin pour Aristote
consiste en l'exercice de la vertu. C'est un exercice guidé par la volonté.
Par exemple, pour le flûtiste comme pour le sculpteur, le bonheur serait
de maîtriser parfaitement son art et non pas de produire une oeuvre d'art
parfaite. Il devrait en être de même pour le bonheur de l'être humain.
Le bonheur est le chemin lui-même et non pas le point d'arrivée.
Quel est le chemin du bonheur pour Aristote? Pour ce philosophe, l'être
humain réalise son bonheur dans la mesure où il apprend à utiliser ses
habilités intellectuelles. Et pourquoi cela ? Parce que c'est grâce à
la vie intellectuelle qu'il peut délibérer et faire des choix moraux.
Lorsqu'il fait un choix moral, il doit tenir compte :
1. des normes de la société,
2. du plaisir à obtenir,
3. de la portée de son choix sur autrui,
4. de ce qu'il est possible de faire dans le but de viser la vertu.
Ainsi, l'homme obtient son bonheur en pratiquant la vertu. Pour Aristote,
la vertu est une habitude volontaire. Toujours selon Aristote, les êtres
humains sont disposés à la vertu, mais ils doivent la pratiquer pour la
perfectionner. C'est à force de pratiquer la justice, la tempérance et
le courage que nous devenons justes, tempérants et courageux.
Pour Aristote, il ne faut jamais être esclave de rien: ni d'un maître,
ni de nos mauvais désirs. Il défendra principalement la vertu du juste
milieu.
Par exemple, le courage serait le juste milieu entre la peur et la témérité
; la tempérance entre le dérèglement et l'insensibilité ; la mansuétude
(disposition à pardonner et à comprendre, la bonté) entre la colère et
l'apathie ; la magnanimité entre la vanité et l'humilité ; la véracité
entre la vantardise et la dépréciation de soi ; l'affabilité (accueillant
et bienveillant et aimable) entre l'obséquiosité (servile et trop poli)
et l'esprit de chicane ; la réserve entre l'effronterie et la timidité,
etc.
Pour Aristote, l'intention compte pour beaucoup. Par exemple, on peut
mentir pour la bonne cause (l'espion) et faire du mal pour la bonne cause
(tuer durant la guerre). Chaque situation doit être analysée dans le but
de vivre dans le bonheur, même si le bonheur des uns fait le malheur des
autres.
Descartes
Le bonheur pour le simple d'esprit confère au petit bonheur
tranquille et béat de celui qui se satisfait d'une existence
médiocre, hélas cette béatitude n'a rien à
voir avec les transports que procure la contemplation du vrai et se
rapproche plutôt de l'hébétude. La bêtise
consiste en effet à s'étonner sans questionner et à
se satisfaire d'un monde que l'on ne comprend pas et qui satisfait d'autant
plus qu'il paraît incompréhensible.
Et c'est bien là ce qui gène le philosophe de voir que
l'étonnement qui est la source même de la philosophie peut
aussi être la source de la plus grande stupeur qui comme son nom
l'indique rend stupide.
C'est la raison pour laquelle Descartes préfère parler
d'admiration pour désigner notre surprise face à l'ordre
d'un monde que nous voulons comprendre et réserver le terme d'étonnement
à cet excès qui frappe l'esprit de paralysie (il ne faut
pas oublier que le terme français -étonnement- vient du
latin attonare qui signifie frapper du tonnerre).
Un tel étonnement est à l'origine de ces formules toutes
faites, dont le caractère assommant n'est pas à démontrer,
telle : la nature est bien faite ou pour être heureux il suffit
de ne pas se poser de questions et de prendre la vie comme elle vient.
Certains poussent même d'ailleurs la bêtise à son
point culminant en qualifiant de telles maximes de " philosophie
de la vie ".
Une telle philosophie si elle peut en effet conduire au bonheur ce
ne peut être qu'à un bonheur comparable à celui
de la bête sans conscience, qui ne peut que vivre en accord avec
la nature pour la simple et bonne raison qu'elle est plongée
en elle et ne dispose pas d'une liberté lui permettant de s'en
écarter.
Epicure
Pour Epicure, dans La lettre à Ménécée8 Il est urgent de philosopher.
pour remédier à cette inquiétude et se rapprocher de soi-même et de
la nature afin de ne pas se laisser surprendre par la mort qui pourrait
nous faucher avant même que nous ayons pu comprendre quelque chose à
notre existence.
En effet ce qu'il nous faut pour accéder à ce bonheur si difficile à
atteindre c'est rétablir cette union perdue avec la nature que l'homme
a rompue en s'éloignant de l'animalité pour accéder à l'humanité, mais
cette union ne peut se réaliser par l'immersion inconsciente dans le
naturel qui est le propre de l'animal, elle ne peut se réaliser que
par le moyen de l'intellect qui cherchera à comprendre (prendre avec
soi) le tout dont il fait partie. Réaliser sa nature, c'est pour l'homme
se penser dans la nature afin de réaliser cet accord synonyme de bonheur.
Vivre en accord avec la nature est en effet une chose difficile pour
l'homme, mais c'est là la seule voie qui semble mener au bonheur.
En effet n'étant pas des dieux, nous ne pouvons nous affranchir du Tout
dont nous ne sommes que des parties, mais n'étant pas des bêtes, il
nous faut pour nous réaliser établir cette union par la pensée.
Et c'est là que s'établit le lien entre la question du bonheur et celle
de la paresse, car ces philosophies du bonheur que nous évoquions précédemment
et qui ne sont en fait que tissu d'opinions et de passions vaines, ne
se caractérisent-elles pas par une paresse intellectuelle de l'esprit
se laissant écraser par la difficulté de sa tâche ou se laissant dominer
par le corps.
Kant
Pour Kant, ce qui est intéressant c'est le bonheur humain, le bonheur
de celui qui en tant qu'homme ne se satisfait pas d'une nature animale
qui lui est donnée, mais se doit de réaliser sa nature d'homme qui est
à conquérir.
Pour le plus grand nombre cette conquête se réduit à la quête du plaisir
immédiat et à la satisfaction de tous nos désirs, le bonheur consisterait
donc alors en ce que Kant nomme justement un idéal de l'imagination
irréalisable parce qu'en total désaccord le plus souvent avec la réalité.
Et bien entendu ceux là même qui réclament un tel bonheur se désolent
et se rendent malheureux car jamais la réalité ne les satisfait, eux
qui demandent l'impossible.
Montaigne
« Tout entier et tout nu » La pauvreté affective de la vie de Michel
Eyquem de Montaigne surprend tout lecteur un peu attentif des Essais.
A l'exception notable de la passion qu'il éprouva pour Etienne de la
Boétie, son existence, vue côté coeur, paraît d'une désolante aridité.
Lui qui met à si haut prix le bonheur de la « conférence », c'est-à-dire
de la conversation, de la communication, va s'enfermer dans la solitude
intérieure.
Si Montaigne et son oeuvre ont fait l'objet de très nombreuses études,
souvent de haute qualité, si ces recherches ont permis d'éclairer sa
biographie, les sources des Essais, leur influence ; si sa philosophie
morale a été abondamment et pertinemment commentée, et souligné son
rôle dans la formation de ce qu'on peut appeler « l'esprit français
» ; si l'originalité du livre, la richesse, la saveur, la sensualité
de sa langue, son bonheur dans les métaphores, son parler vivant « simple
et naïf, tel sur le papier qu'à la bouche » ont été vantés à bon droit,
par contre, son caractère, sa vie intime, ses relations avec ses proches
furent plus négligés.
Nietzsche
Pour le plus petit comme pour le plus grand bonheur, il y a toujours
une chose qui le crée : le pouvoir d'oublier, ou, pour m'exprimer en
savant, la faculté de sentir, pendant que dure le bonheur, d'une façon
non-historique. Celui qui ne sait pas se reposer sur le seuil du moment
pour oublier tout le passé, celui qui ne se dresse point, comme un génie
de victoire, sans vertige et sans crainte, ne saura jamais ce que c'est
que le bonheur, et, ce qui est pire encore, il ne fera jamais rien qui
puisse rendre heureux les autres.
Imaginez l'exemple extrême : un homme qui ne posséderait pas du tout
la faculté d'oublier, qui serait condamné à voir en toutes choses le
devenir. Un tel homme ne croirait plus à sa propre essence, ne croirait
plus en lui-même; tout s'écoulerait pour lui en points mouvants pour
se perdre dans cette mer du devenir ; en véritable élève d'Héraclite
il finirait par ne plus oser lever un doigt. Toute action exige l'oubli,
comme tout organisme a besoin, non seulement de lumière, mais encore
d'obscurité. Un homme qui voudrait sentir d'une façon tout à fait historique
ressemblerait à celui qui serait forcé de se priver de sommeil, ou bien
à l'animal qui devrait continuer à vivre en ne faisant que ruminer,
et ruminer toujours à nouveau. Donc il est impossible de vivre sans
se souvenir, de vivre même heureux, à l'exemple de la bête, mais il
est absolument impossible de vivre sans oublier.
Ou bien, pour m'expliquer sur ce sujet d'une façon plus simple encore,
il y a un degré d'insomnie, de rumination, de sens historique qui nuit
à l'être vivant et finit par l'anéantir, qu'il s'agisse d'un homme,
d'un peuple ou d'une civilisation. Considérations inactuelles, II (1874),
§1 Traduction de Henri Albert (Société du Mercure de France, 1899).
Pascal
Il convient d'ailleurs ici de préciser que nous n'entendons pas par
paresse l'absence d'activité physique mais la torpeur de l'intellect
par laquelle bon nombre d'entre nous se laissent gagner en se livrant
à une vaine agitation qui n'est que divertissement au sens pascalien
du terme.
Divertissement. Les hommes n'ayant pu guérir la mort, la misère, l'ignorance,
ils se sont avisés, pour se rendre heureux, de n'y point penser.
Platon
Comme le fait remarquer Platon dans Le Gorgias ceux qui réfléchissent
pas sont comparables à des passoires qui voudraient se remplir :
En effet, chez les hommes qui ne réfléchissent pas, (...) ce lieu de
l'âme, siège des passions, est comme une passoire percée, parce qu'il
ne peut rien contrôler ni rien retenir - il exprime ainsi l'impossibilité
que ce lieu soit jamais rempli.
Il ne peut donc là y avoir de bonheur véritable dans la soumission aux
passions et à la tyrannie des désirs poursuivis sans discernement.
Pythagore
Pythagore : L'immortalité de l'âme et la réminiscence.
Le problème est de savoir comment on peut parvenir au savoir immuable
dans un monde sensible et mouvant. Comment le savoir véritable est-il
possible ?
Ici, c'est la théorie pythagoricienne sur l'immortalité de l'âme qui
vient au secours de Platon : savoir c'est se souvenir.
L'immortalité de l'âme.
Pour Pythagore les âmes sont liées au corps à titre de châtiment. Le
corps est une prison dans laquelle la divinité les a jetées pour les
punir, et il y a migration de l'âme (Karma) en des corps différents,
ce qui est une pénitence. L'âme a le pouvoir de se purifier au cours
du cycle de ses igrations et si elle le mérite, elle atteint le bonheur
de la séparation d'avec le corps. Platon adopte cette théorie dans son
ensemble. De même qu'il y a deux mondes (sensible et suprasensible,
intelligible), de même l'homme est double et appartient aux deux mondes:
par le corps il est attaché au monde sensible, par l'âme au monde intelligible.
L'âme est immortelle ; elle a préexisté à la naissance de l'homme dans
ce monde et survivra à sa mort. Elle est parente des Idées qu'elle a
contemplées jadis, elle en possède le savoir. Mais l'âme s'est détachée
des Idées, elle est tombée dans le monde sensible, elle est prisonnière
du corps. "Séma soma": le corps est le tombeau (ou la prison) de l'âme.
Bref, le souvenir des Idées s'est considérablement obscurci.
Rabelais
Bonheur pour tous
1.2 Pronostics pour l'année perpétuelle
1.2.1 Les maladies de cette année
Cette année, les aveugles ne verront que bien peu, les sourds entendront
assez mal, les muets ne parleront guère, les riches se porteront un
peu mieux que les pauvres, et les gens en bonne santé mieux que les
malades.
Plusieurs moutons, boeufs, pourceaux, oisons, poulets et canards mourront,
mais la mortalité ne sera pas si cruelle chez les singes et les dromadaires.
Vieillesse sera incurable cette année à cause des années passées.
Ceux qui seront pleurétiques auront grand mal au côté. Ceux qui auront
des diarrhées iront souvent au cabinet. Les catarrhes descendront cette
année du cerveau jusqu'aux membres inférieurs. Le mal des yeux sera
fort contraire à la vision. En Gascogne, les oreilles seront courtes
et rares plus que de coutume.
Et quasi universellement régnera une maladie bien horrible et redoutable,
maligne, perverse, épouvantable et déplaisante, laquelle terrifiera
le monde ; sous son influence, plusieurs ne sauront de quel bois faire
flèche, et bien souvent chercheront à s'en tirer en rêvassant, en raisonnant
sur la pierre philosophale et les oreilles de Midas. Je tremble de peur
quand j'y pense ; car je vous dis que cette maladie sera une épidémie,
et Averroès (Colliget, VII) l'appelle "manque d'argent".
Rabelais, Pronostics pantagruélins certains, véritables et infaillibles
pour l'année perpétuelle (extrait), 1532
Rousseau
Le bonheur aux Charmettes
Ici commence le court bonheur de ma vie; ici, viennent les paisibles,
mais rapides moments qui m'ont donné le droit de dire que j'ai vécu.
Moments précieux et si regrettés! Ah! recommencez pour moi votre aimable
cours, coulez plus lentement dans mon souvenir, s'il est possible, que
vous ne fîtes réellement dans votre fugitive succession. Comment ferai-je
pour prolonger à mon gré ce récit si touchant et si simple, pour redire
toujours les mêmes choses, et n'ennuyer pas plus mes lecteurs en les
répétant que je ne m'ennuyais moi-même en les recommençant sans cesse
? Encore si tout cela consistait en faits, en actions, en paroles, je
pourrais le décrire et le rendre en quelque façon ; mais comment dire
ce qui n'était ni dit, ni fait, ni pensé même, mais goûté, mais senti,
sans que je puisse énoncer d'autre objet de mon bonheur que ce sentiment
même ? Je me levais avec le soleil, et j'étais heureux; je me promenais,
et j'étais heureux ; je voyais Maman, et j'étais heureux; je la quittais,
et j'étais heureux; je parcourais les bois, les coteaux, j'errais dans
les vallons, je lisais, j'étais oisif ; je travaillais au jardin, je
cueillais les fruits, j'aidais au ménage, et le bonheur me suivait partout:
il n'était dans aucune chose assignable, il était tout en moi-même,
il ne pouvait me quitter un seul instant.
Rien de tout ce qui m'est arrivé durant cette époque chérie, rien de
ce que j'ai fait, dit et pensé tout le temps qu'elle a duré, n'est échappé
de ma mémoire. Les temps qui précèdent et qui suivent me reviennent
par intervalles ; je me les rappelle inégalement et confusément : mais
je me rappelle celui-là tout entier comme s'il durait encore. Mon imagination,
qui dans ma jeunesse allait toujours en avant, et maintenant rétrograde,
compense par ces doux souvenirs l'espoir que j'ai pour jamais perdu.
Je ne vois plus rien dans l'avenir qui me tente; les seuls retours du
passé peuvent me flatter, et ces retours si vifs et si vrais dans l'époque
dont je parle me font souvent vivre heureux malgré mes malheurs.
Shopenhaueur
Schopenhauer fut professeur à Berlin durant quelques semaines en 1820,
mais ses cours n'eurent que peu de succès, les étudiants lui préférant
les cours de Hegel. Son ouvrage principal, Le Monde comme volonté et
comme représentation (1818), n'eut quasiment aucun lecteur. Mais les
Parerga et Paralipomena (1851) le rendirent célèbre. Les disciples accoururent
à Francfort, et Wagner lui dédicaça L'Anneau des Niebelungen en 1853.
Il mourut en pleine gloire en 1860. La philosophie de Schopenhauer fut
influencée par Platon et par Kant, dont il reprendra, tout en la critiquant,
la théorie de la connaissance exposant la distinction du "phénomène"
et de la "chose en soi". Elle trouva également dans les doctrines religieuses
indiennes et dans le bouddhisme, que le romantisme allemand découvrait,
la confirmation de sa pensée.
Il fut l'adversaire déclaré de Hegel qu'il qualifie, dans ses notes,
d'" écrivailleur d'absurdité et détraqueur de cervelle ". Schopenhauer
pose le "vouloir-vivre" comme une puissance sans but et sans repos,
n'engendrant en nous que souffrance et nous plongeant dans une éternelle
douleur. Aussi faut-il parvenir à l'anéantissement suprême de ce vouloir-vivre,
et se détacher de lui de manière à atteindre le Nirvana qui met un terme
à la souffrance. La volonté, vouloir-vivre aveugle et universel, commun
à toutes les réalités physiques, vivantes et humaines, se situe au centre
de la pensée de Schopenhauer.
Il en va de même pour la notion de représentation qui est conçue de
façon kantienne comme l'acte par lequel l'esprit détermine ses propres
objets à travers les formes pures de l'intuition sensible. Schopenhauer
voit dans l'homme un être profondément métaphysique, s'étonnant devant
le monde et aspirant à l'absolu. Cet être métaphysique reste voué, comme
tout ce qui existe, au malheur et à la souffrance. Le fondement de l'existence
est la douleur. Dans cette perspective, le bonheur n'a aucune positivité
: c'est la simple suspension de la souffrance.
Schopenhauer complète ce point en établissant une hiérarchie des moyens
qui, selon lui, nous permettent de sortir de la souffrance : tout d'abord
il y a l'art, qui nous fait faire le premier pas en direction de la
contemplation pure ; puis il y a la morale qui, grâce au sentiment de
pitié, nous fait sortir de notre égoïsme premier ; et enfin il y a le
renoncement à tout vouloir vivre, qui nous détourne de toute représentation.
La force et le génie de Schopenhauer résident bien dans le fait d'avoir
postulé que le flux de représentations, qui constitue la relation de
l'homme au monde, n'est ni purement subjectif, ni transcendant, mais
ancré dans la volonté de la nature se voulant elle-même. La volonté
explique, en effet, mieux que tout autre chose, pourquoi il n'y a pas
de sujet sans objet, ni d'objet sans sujet. Par la volonté d'une vie
voulant vivre en nous comme dans la nature, il devient possible de comprendre
pourquoi nous ne pouvons pas ne pas penser, et pourquoi rien n'est insignifiant,
neutre ou muet dans la nature.
Socrate
A- Le bonheur consiste à sadonner à tous les plaisirs (Calliclès)
2. (7 à 27) Réponse : celui qui règle sa conduite selon la raison, qui
ne fait donc pas ce qu'il veut, qui se refuse certains désirs ou plaisirs,
est un lâche. Il n'est pas libre, mais esclave (a besoin d'un maître).
N'a pas le courage d'assumer ses passions.
La vie la meilleure est la vie, non pas conforme à la raison, aux lois,
aux conventions, mais à la nature.
Cf. "juste naturel" = nature réfère ici, non à la morale mais à la puissance,
la force qui caractérise les êtres naturels
Lois = synonyme seulement de contrainte, de soumission; on ne peut être
libre en obéissant à des lois
Impératif moral : fais tout ce qui te fais plaisir. Alors tu seras libre
et heureux.
4. Réponse : Cet état que Socrate appelle le bonheur, c'est le malheur
car c'est une vie de pierre ou de cadavre; aucune satisfaction dans
le repos (l.33)
Cf. aussi 62-65 : homme tempérant, qui ne se laisse pas aller à tous
ses plaisirs, n'a plus aucun plaisir, et donc, ne ressent plus rien.
C'est une vie de pierre ou de cadavre que nous loue Socrate! -Qui souhaiterait
une vie dans laquelle on n'ait aucune expérience agréable?
B- Le bonheur consiste dans la tempérance (Socrate)
(vertu caractéristique du sage, consistant à avoir une attitude correcte,
mesurée, modérée, face aux désirs, plaisirs, passions)
1. (1 à 6) Thèse : la vie bonne, qui mérite vraiment d'être choisie,
est une vie dans laquelle on se "commande à soi-même". Ie : tout comme
dans la cité on doit obéir aux lois, dans la conduite de la vie, on
doit obéir à la raison. Il ne faut pas se laisser aller à tous ses désirs
et passions, mais les réprimer. C'est pour cela que les lois, morales
ou politiques, existent.
3. (28-88) Critique : la thèse de Calliclès est auto-contradictoire,
car elle contredit la définition même du bonheur (repos, tranquillité,
ne manquer de rien) (28-32).
En effet, cf. deux métaphores ( passoire-35-46- et tonneaux percés,
48-61) : l'homme de plaisir est insatiable et jamais satisfait, il ressemble
à un tonneau percé : comment donc pourrait-il être heureux s'il n'est
jamais satisfait?
la vie que nous propose Calliclès est une vie dans laquelle on est condamné
à manquer de tout sans arrêt : Calliclès ne sera jamais heureux (ni
à la limite personne); en effet
-le désir est manque; -le manque est souffrance car je manque toujours
de ce que je désire; -or je ne désire jamais ce que j'ai puisque le
désir est manque;
D'où le "cercle du manque" : tantôt je désire ce que je n'ai pas, et
j'en souffre; tantôt j'ai ce que dès lors je ne désire plus; On désire
ce qu'on n'a pas, donc on ne désire plus ce qu'on a -qu'on désirera
à nouveau si on le perd.
=Vie d'insatisfaction, car le désir engendre le désir; vie où on s'échappe
à soi-même, où on souffre (cf. 66-67 : tout s'en va tout le temps)
La vie où on se gratte tout le temps (73-81) = renvoie au fait que c'est
une vie d'agitation incessante. Pas de tranquillité
Spinoza
Si le bonheur est impossible pour l'homme ordinaire, celui que Spinoza
nomme le vulgaire - sans que ce terme ait sous sa plume une signification
péjorative ou méprisante, il désigne simplement l'ignorant, l'homme
du commun pour qui ne s'est pas faite l'heureuse rencontre avec la philosophie
- est-il envisageable pour le philosophe, qui par définition vit en
quelque sorte en décalage par rapport à lui-même, la nature, ainsi que
dans sa relation à autrui.
En effet plutôt que bonheur la philosophie est d'abord inquiétude, le
philosophe est en quête de vérité et c'est d'ailleurs pour cela qu'il
questionne et se questionne.
Une telle démarche interrogative suppose donc une distance par rapport
à soi-même et au monde ; comment le bonheur pourrait-il trouver sa place
dans une telle distanciation ?
Voltaire
La conception du bonheur : Le bonheur insiste sur l'aspect matériel
des plaisirs. C'est un libertinage modéré, vertueux. Voltaire parle
d'honnêteté (au 18ème : perfection). Voltaire associe en effet le goût
du luxe des plaisirs et une notion morale (honnêteté). Cet aspect est
mis en relief au vers 12 ("tout honnête") il généralise cette idée avec
l'emploi de l'adjectif indéfini "tout" et présente ainsi une humanité
exemplaire, idéale. Il ne prône pas la débauche, ni le relâchement des
m?urs. Il propose un équilibre entres les plaisirs et la vertu, son
modèle serait un épicurisme modéré.
Voltaire situe l'homme dans la perspective de son épanouissement ici-bas.
Pour lui, ce qui est choquant à l'époque, la recherche du bonheur terrestre
l'emporte sur l'attente du Salut Eternel. Ce texte est provocateur,
insolent, libertin car il contredit la conception du bonheur propre
à la religion. Il se moque des dévots et de tous les nostalgiques d'un
bonheur ancestral. Il invite à un libertinage qui ne perd pas de vue
la morale (à la différence de ce que propose Sade et Laclos).
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Grâce
au Brasiou tu peux avoir des bons plans !
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